LE WORSHOP/Medialab
Les
trois semaines de workshop - devenues le Media-lab :"not
just travelling !" entre
l'Ensa_Bourges, les Beaux-arts de Luang
Prabang, Bandits-Mages et la galerie du cartable - se sont déroulées à
l'école des Beaux-Arts de Luang Prabang et se sont achevées ce mardi 9
février par une diffusion des travaux réalisés.
Pour la
deuxième fois, les échanges entre l' école d' arts de
Bourges (ENSA Bourges) et celles de Luang Prabang et Vientiane seront
présentés à la Biennale de l'image de Luang Prabang le 10 février. Nous
y montrerons les productions issues de ce deuxième media-lab mis en
place sur 3 semaines intensives à l'école de Luang Prabang du 18
janvier au 10 Fevrier. Côté Bourges, ce sont 6
étudiants post-diplôme, Nathalie Magnan,
professeur media art à L'ENSA Bourges en collaboration avec Isabelle
Carlier (Bandits-mages) et David Legrand (La galerie du cartable). Côté Luang Prabang, ce
sont 20 étudiants et un professeur de l'école de
Luang, Ounheuane Soukkhaseume, auxquels se sont joints un professeur de
l'école de Vientiane, Souligna Phoumivong et 3 de ses étudiants, ainsi
que le soutien de toute l'équipe de l'école de Luang Prabang. Le medialab est une
proposition d'échange intensif des savoirs
technologiques dans un processus de création. L'échange se situe sur
une utopie que l'on espère sans innocence; la rencontre entre deux
cultures, entre des savoirs traditionnels et des pratiques utilisant
des nouveaux média (vidéo, photo, son, web, ...), opérant les
déplacements nécessaires à l'acte de création. Le travail effectué se
veut pérenne, mettant en jeu des technologies
qui utilisent ce qui se fait et ce qui existe dans le contexte
économique : des technologies traditionnelles comme l'utilisation du
bambou, aux pratiques contemporaines low-tech, telles l'utilisation du
téléphone portable comme moyen de diffusion vidéo. Une transversalité
des médiums qui déconstruit la notion de progrès. Pour nombre d'étudiants
Lao, ce media-lab est une première rencontre
avec l'utilisation des technologies video/son/web, et la découverte de
l'utilisation des éléments du quotidien comme matière artistique: les
pigments du moment. La démystification des processus de production,
aussi simples qu'ils peuvent sembler à ceux qui ont accès au
technologies est, la possibilité d'acquérir pour les étudiants, sinon
l'autonomie, du moins la conscience qu'elle peut exister. Il existe des
ateliers photos au Laos, mais c'est le premier media lab au Laos comme
il en existe d'autres dans le monde . Nos interventions
cherchent à trouver un équilibre et une justesse dans
les désirs des un(e)s et des autres, déplaçant les limites de ce que
l'un et l'autre représentent. Pour tous, les écoles des beaux-arts sont
"same same but different" de la sienne. C'est là notre sujet. http://b-lp.syntone.org/positio-p.htm
Les
étudiants ont donc réalisé une série de films d'animation avec Selim
Martin,
une
structure en bambou réceptacle d'un conte lao le NAM TAN POUNG (mythe
des origines) avec Odilon Pain, des graffs avec Benjamin Levebvre, un
travail sonore avec Pierre Aubert.
(cf site - http://b-lp.syntone.org/)
Le NAM TAN POUNG qui est le mythe des origines au Laos et à Luang
Prabang, nous a été raconté par M. Manivong Kanthiyalat. EXTRAIT
Sa venue a fait l'objet d'un film et d'un travail sonore. Cette
histoire nous a ensuite été expliquée et racontée en français par M.
Nithakhong Somsanith, enseignant dans sa propre école l'art floral, la
musique et d'autres savoirs laos. EXTRAIT
SONORE (en français)
Lieu
temporaire créé dans une salle de l'Ecole, le studio son.
Enfin
trois ordinateurs installés sous UBUNTU (Linux - logiciels libres) sont
maintenant à l'Ecole. Ces machines sont en anglais et laos. Elles
permettent le montage vidéo en plus du traitement de la photos et des
usages courants comme le traitement de texte.
Ce
travail a été mené avec Jean-Pierre Masse (Pedro), accompagné de Pierre
Studievic et s'est accompagné
de l'installation de l'Internet à l'école ouvrant des modes de
communication et de diffusion inexistants à ce jour au sein de l'Ecole.
Lire
aussi : LES
LETTRES
DE PERRINE COQUIN LES PREMICES DU STUDIO
Nous
sommes arrivés dans une école dont les pratiques usuelles sont la
peinture, la sculpture, la gravure sur bois. Ces pratiques enseignées
sont celles d'un art aujourd'hui avant tout appliqué :
fabrication
d'objets dont la destination est, semble-t-il, l'industrie touristique
(économie majoritaire à Luang Prabang), la vente d’objets sur les
marchés, des commandes de guest house ou de bâtiments patrimoniaux
(musées) de style lao ou thaï.
Il
semble aussi que l'art transmis dans cette école soit coupé d'un art
ancien lao porteur d'une pensée spirituelle et quotidienne
(exemple de
scènes peintes dans les temples). Nous avons découvert une histoire
artistique, spirituelle et culturelle à travers des modes de
représentation uniques, dont un travail de motifs élaborés et des
histoires racontées sur fresques.
Pour
autant une coupure nous a été clairement exposée: l'histoire
politique et coloniale ayant amené des ruptures successives tant dans
la langue (réformée et simplifiée dans les années 70) que dans les
"styles" d'art (motifs) transmis et dans les enseignements.
Les
laos sont dans des temps de création inscrits dans la vie même.
Nous connaissons cela de l'Orient de manière plus générale au travers,
entre autres, du bouddhisme.
Les
étudiants nous ont appris leur moyen de transmission où celui qui a
appris et compris une technique la montre et l'enseigne à
l'autre...
Si bien que ces trois semaines nous ont permis d'observer cet échange
constant des savoirs qui démystifie en soi toute technologie
apparaissante, neuve car elle devient d'emblée non propriétaire, sans
obstacle particulier... Cet échange provoque tout aussi naturellement
des réappropriations par les étudiants de ces techniques
apprises,
pour des productions personnelles ou singulières. Ainsi le studio
photo, le jour de l'exposition, a été littéralement assiégé par les
étudiants désireux de fabriquer leurs images.
De
plus, ce workshop a donné lieu à la création d'outils utilisant
d'une part des matériaux et des techniques issues de Luang Prabang, du
Laos, et d'autre part des technologies et outils contemporains (vidéo,
photo, multimedia) sans pour autant faire étalage des innovations
actuelles.
En
ce sens nous avons travaillé dans ce que l'on nomme le "low-tech" ou le
"downgrade" (http://downgrade.fr)
: méthodes de contre-pouvoirs dans des sociétés capitalistes, méthodes
ici beaucoup plus implicites et impliquées.
UN LIEU POUR DES NOUVELLES PRATIQUES D'AUTO-FABRICATION ET D'ARTISANATS
NUMERIQUES :
A l'occasion du premier workshop, nous avons construit un studio
d'incrustation sur fond bleu. Ce studio a été mis en route avec la
réalisation d'un petit film d'apprentissage, une reprise d'un extrait
de "L'éclipse de lune et de soleil » de Georges Méliès. Pour la
réalisation des films nous avons fabriqué des pieds en bambou
parfaitement fonctionnels et stables.
L'ATELIER
(STUDIO) DU FILM LÉGER POUR APPRENDRE À FILMER AVEC UN BAMBOU
Début
de l'apprentissage du film avec un bambou: regarder-cadrer en plans
fixes et se déplacer en mouvements harmonieux pour essayer de
devenir une plaque sensible entre les mouvements de l'existence de
Luang-Prabang et nous.
La
fin de chaque récolte audiovisuelle se finit par une séance de
dérushage, sélection des bonnes vues et des mauvaises vues dans la
perspective d'un petit montage simple.
Notre
but est d'apprendre aux étudiants l'utilisation et le fonctionnement
des outils de montages numériques, transmettre des principes
généraux par la pratique.
La
semaine suivante, reprenant nos critères de prise de vues
collectives pour nos futurs tournages, nous avons mis en place un
atelier de construction en plein air, d’outils et accessoires
filmiques : c'est de là que sont sortis deux pieds vidéo en bambou
(trois positions, un léger, l'autre lourd)
Enfin,
pour terminer un film déjà commencé par un autre groupe vidéo,
nous réalisons un petit studio de prises de vue et d'effets
spéciaux. Les étudiants participent à toutes les étapes de sa
mise en place : recherche et achat des matériaux sur les marchés de
Luang Prabang (tissus pour le bleu d'incrustation, lampes de chevet à
néon pour enfants
— l'éclairage le plus puissant que nous ayons trouvé) ;
élaboration du fond bleu d'incrustation aux dimensions d'une des
salles de peinture de l'école pour réaliser nos effets spéciaux et
surtout la pratique de la prise de vue en équipe à l'intérieur
d'un studio pour apprendre à organiser le tournage.
Fin
de la troisième semaine : le film déjà commencé est une reprise
d'un extrait de "L'éclipse
de lune et de soleil » de Georges Méliès. Avec un petit groupe,
nous choisissons de réaliser la scène précédente et la suivante,
pour que l'idée de départ (le remake d'un extrait de film) finisse
par devenir un petit film complet pour lequel les étudiants
auront été jusqu'au bout de sa fabrication, en résolvant tous les
problèmes dus à l'initiation d'un nouveau média.
Pour
ce petit film d'apprentissage, les effets spéciaux et le montage de
la fiction on permis de montrer de quelle manière nous pouvons
habiter des espaces et des temps inventés.
David
Legrand ( La galerie du cartable)
Autre
outil, une vélo-caméra telle qu'a pu l'imaginer et la réaliser
auparavant la galerie du cartable dans un autre contexte
MISE
EN PLACE
DU STUDIO ET PROGRAMME DE RECHERCHE :
Suite
à ce workshop et à l'implantation de plusieurs outils de réalisation,
nous revenons pour le projet d'étude initialement écrit constituant le
programme de recherche qui aura pour objet d'étude :
- Les modes de représentation lao : étude sociale et historique des
arts et savoir-faire lao ;
-
Les modes de transmission lao : étude des modes de circulation des
savoirs entre le maître et l'élève et plus globalement entre l'individu
et le groupe ; étude de la fonction symbolique des objets créés et de
leur transmission.
Les
étapes et projets :
1°
Construction du Studio vidéo ;
2°
Filmer les figures de Luang Prabang. Création d'une « chaîne »
scénaristique ;
3°
Filmer les figures du Mékong ;
4°
Workshop avec la Compagnie Les Passeurs : Mise en scène d'un conte lao
– plan séquence ;
5°
Workshop avec Michel Aubry.
Les
deux premières semaines avec les étudiants seront consacrées à la
construction du studio vidéo et des outils de tournage.
Le
studio, construit selon les techniques locales avec des matériaux
naturels (bambou, toile...) ou trouvés sur place, aura aussi pour
caractéristique d'utiliser la lumière naturelle.
Ce
studio est conçu comme le lieu de synthèse de ses trois fonctions
principales : plateau de tournage, espace d'échange des savoirs et
espace de diffusion.
Si
sa structure est liée à son cahier des charges (un lieu pour la
création audiovisuelle utilisant des matériaux locaux), il faut aussi
l’inscrire dans l'enceinte d'une école des beaux-arts lao.
Ce
programme donnera lieu au montage d'une association lao porteuse de la
suite des études et projets à Luang Prabang.
Ce
programme de recherche s'inscrit dans une pensée proche des pratiques
autonomes et partagées (composante du medialab), et aussi d'une pensée
comme l'écosophie, c'est à dire l'écologie de l'être.
Si
ce workshop a donné l'occasion de construire des outils comme des pieds
en bambou, une vélo-caméra, d'autres outils de diffusion ou de
captation qui emploieraient les techniques et l'ingénierie laos sont
envisagés : le cartable video sera un modèle. Il permettra de sortir de
Luang Prabang et de diffuser dans les villages alentours les films
réalisés par les étudiants des beaux-arts.
Les
perspectives offertes par un cartable vidéo, media d'étude et de
recherche filmique conçu sur place, permettront de transmettre l’image
vidéo dans la vie courante autrement que par la télévision.
C'est
à travers ce média libre, révélateur de la réalité visuelle et sociale
de l'ère postmédia (rapports à l’âge numérique entre autarcie et
autonomie, patrimoine et développement, artisanat numérique et
industrie, démocratie numérique, énergie et environnement) que nous
avons tenté de répondre à la question suivante : comment technologies
numériques, nature et patrimoine peuvent-ils s’associer?
Il
sera avant tout porteur d'un savoir-faire artisanal pour accueillir des
pratiques contemporaines et accueillera le contenu de notre répertoire
audiovisuel : l'écologie et l'écosophie sociale de l'être filmique.
Notre
programme audiovisuel s'inscrit à l'intérieur des trois registres
fondamentaux de l’écologie définis par Félix Guattari et avant tout
définis par Spinoza :
"Une
articulation éthico-politique, que je nomme écosophie, entre les trois
registres écologiques, celui de l’environnement, celui des rapports
sociaux et celui de la subjectivité humaine, serait susceptible
d’éclairer convenablement ces questions."
"D'une
pédagogie capable d'inventer l'être en groupe dans les nouveaux
contexte historique mondiaux naîtra des subjectivités collectives
consistant à développer des pratiques spécifiques tendant à modifier et
à réinventer des façons d’être au sein d'un groupe de culture
différente."
"Une
articulation éthico-politique, que je nomme écosophie, entre les trois
registres écologiques, celui de l’environnement, celui des rapports
sociaux et celui de la subjectivité humaine"
"L’écosophie
sociale consistera donc à développer des pratiques spécifiques tendant
à modifier et à réinventer des façons d’être .."
"L'écosophie
mentale sera amenée à réinventer le rapport du sujet au corps, au
fantasme, au temps qui passe, aux « mystères » de la vie et de la mort."
"Il s’agira littéralement de reconstruire l’ensemble des modalités de
l’être en groupe."
Le développement du
programme
audiovisuel aux Beaux-Arts de Luang-Prabang, est réalisé par la Galerie
du cartable, porté par l'association Bandits-Mages en co-production
avec
Chateauroux Undergound, et soutenu par la Région Centre et Cultures
France. Nous remercions le CCCL
pour son accompagnement.