Mise
en place d'un studio de recherche de création audiovisuelle
à
l'école des Beaux-arts de Luang Prabang La galerie
du cartable - Bandits-Mages
JOURNAL DE BORD
12/04/2010
Arrivée à Hanoi, il est
6h41 du
matin, 1h41 en France. Je voulais passer un petit coup de téléphone,
raté!
Sur facebook, une
camarade citait
une célèbre phrase des Shadocks :
"s'il n'y a pas de solution, c'est qu'il n'y a pas de problème".
Je ne peux m'empêcher de me la remémorer en cet instant. Je vis à
nouveau cette expérience comme il y a deux ans où mes
camarades et
moi étions restés douze heures dans ce même aéroport, de tourner
en rond dans un carré...
Les boutiques et le
petit
restaurant s'ouvrent à peine et je suis la seule passagère à errer
entre les immenses baies vitrées. Comment habiter le vide ? Réponse
: j'allume l'ordinateur et je me fous la tête dans l'écran.
Est-ce que comme Charles Bukowsky devant son mac, un horizon
immense va s'ouvrir? Pas sûre ...
Il y a deux mois, lors
d’un
précédent voyage, nous avions fait escale à Bangkok :
plusieurs kilomètres de magasins duty
free,
des décorations
invraisemblables, un salon de massage, des gadgets à n'en plus
finir, le paradis du consommateur qui croit faire une bonne affaire
en étant débarrassé des taxes. Ici à Hanoï, la sobriété et l’étrangeté
rendent
immédiatement
l'achat désuet. Si j'achète quelque chose, je saurai que c'est une
pulsion consommatrice et rien d'autre !
Je me souviens aussi,
car assise
deux ans plus tôt exactement à la même place, de ce touriste
anglais qui du haut de son physique massif avait fait un scandale en
terrorisant les jeunes filles du petit restaurant parce qu'il avait
vu passer un rat. Quel connard ce type!
12/04/2010
quelques heures plus tard
Me
voilà bloquée à l'aéroport d'Hanoi. L'étrange et sympathique
escale se transforme péniblement dans ce temps trop incertain, interminable.
J'exagère
sans doute
mais la
fatigue aidant, difficile de distinguer les choses pour ce qu'elles
sont réellement, les aléas du trafic aérien dans des pays dont le
climat ne permet pas tout. L'avion
ne peut pas décoller. Le temps est trop mauvais. Nous apprenons ensuite
que le pilote est rentré chez lui. Nous prendrons le prochain vol!
Je lis au même moment
la fin d'un
livre de Copi où quelque part sur la lune une armée homosexuelle
reprend le pouvoir sur des amazones cannibales pendant que des idiots
d'hétéros meurent sur terre de leur bêtise. Ils serviront de
garde-manger.
13/04/2010
Enfin ! Arrivée!
À l'aéroport, j'ai été accueillie par
Ounheuane (alias Nou) qui sortait visiblement d'une fête et par David.
Nous avons
mangé avec
Anna et Fracesc de la compagnie Les Passeurs. Ils sont très heureux d'avoir
travaillé avec David et Fabrice.
Je n'ai pas vu le film
réalisé qui est une mise en scène filmée d'un conte lao : "l'Orphelin et
l'aubergine". Ils sont venus
une semaine et ont invité Téo
et Kéo, un duo à la fois acteurs et marionnettistes qui perpétuent
la tradition d'une vieille famille du théâtre lao. Ils ont avec les étudiants initiés au jeu d'acteur
scénarisé et filmé le conte en un seul plan séquence grâce à la
grue louma en bambou construite deux semaines auparavant.
La soirée est agréable,
mais
nous sommes dans le bar/pizzeria français du coin, j'ai presuqe
l'impression
d'être à Orléans ou à Tours. Même personnes, même habitudes...
15/04/2010
Premier matin à Luang
Prabang
depuis mon arrivée.
Levée tôt, je retrouve
les
étudiants Sonepasith, Oudeuane, Vankham, Viengxai, Phasannanh et
leurs professeurs Khamvieng et Nou. C'est un vrai plaisir de les voir.
Aujourd'hui c'est PIMAY, le nouvel an lao, et ils sont prêts pour une
longue journée de tournage.
Mais!
Il faut d’abord protéger le
matériel contre les multiples seaux d'eau que nous allons recevoir.
Nous avançons dans des
rues qui
se remplissent. Très vite, il y a un monde fou. Avant la fin de la
journée, tous les corps seront couverts de farine, de suie et d'eau.
Je
discute une dernière fois avec Anna et Francesc avnt leur départ. Nous
discutons à propos des problèmes d'argent avec l'Ecole des Beaux-Arts.
Après quelques aller et retour dans le marcher bondé, de l'autre côté du
Mékong, nous
nous retrouvons sur une plage qui accueille quelque chose qui se situe
entre la
cérémonie officielle (le vice-président du Vietnam invité), la
kermesse et la free party. C'est, disons-le, dément ! pour
reprendre un terme récurent de David. Je (re)découvre les trans
(katrui)
de Luang Prabang et leur liberté. Nos étudiants filment
consciencieusement sans
perdre de vue qu'il s'agit d'une fête.
Filmer
et danser!
Sonepasith est très à
l'aise
avec la caméra, c'est une évidence. Il ne semble se priver de rien.
Fassananh aussi. Kam Vieng, le directeur des études des beaux-arts,
est avec nous. Toujours aussi généreux et prévenant.
Arisay, patron d'un
café à
Luang
Prabang, royaliste et originaire de Vientiane, explique à David que
cette fête a malgré tout beaucoup perdu de ses origines. La
kermesse, c'est son terme pour en parler... Tous les stands qui bordent
les rues viennent
des français. Il y a six ans, c'était encore très différent, ça
ne ressemblait pas à un vaste commerce. Les Laos s'invitaient
mutuellement chez eux dans un esprit de don. C’était ben ainsi
qu’en France, les laos vivant à Bourges nous avait présenté cette fête.
Le tourisme y est
pour
beaucoup dans les déviations de ces cérémonies et des grandes
manifestations populaires. Mais le Laos est aussi, comme
beaucoup d'autres pays dans le
monde, victime d'une hyper marchandisation et de la perte de
ses
origines. Et c'est d'autant plus vrai dans ce pays qui a vu passer la
colonisation thaïlandaise, le protectorat français et une révolution
culturelle sévère en 1975.
Perte du sacré.
Arisay nous dit néanmoins
que si
nous savons regarder, nous trouverons quelque chose de particulier.
Il espère que nous saurons le filmer.
Nous avons regardé les
images des
étudiants et nous sommes emballés. C'est très court et surtout en
mouvement.
16/04/2010
Aujourd'hui, deuxième
jour de
PIMAY. Cette fois, nous avons suivi le défilé. Toujours arrosés
par des litres d'eau, et barbouillés de farine et de colorants.
Les étudiants prennent
en charge
le matériel et surtout leur film. Depuis que nous sommes venus en
janvier, le changement est énorme. Les techniques filmiques sont
variées et se précisent.
Avec tout ce que nous
avons
récolté, nous devrions pouvoir faire un film, voire plusieurs
films, hybrides. Nous n'échapperons sans doute pas au
documentaire, mais nous en ferons autre chose, c'est certain!
Le défilé était très
vivant,
entre extrême organisation (chacun connaît parfaitement son rôle)
et anarchie totale. Il ressemble à un carnaval qui rassemble les
traditions, les activités et groupes de la vie lao : arts martiaux,
communautés,
écoles... avec en tête Miss Luang Prabang, élue la veille... Nous
sortons de là épuisés.
Je
regarde les films
des
étudiants, c'est déjà un film en soi. Je me rends compte que
l'utilisation de petites caméras à carte, légères et proches de
l'appareil photo, et notre habitude de mettre des films brut sur
facebook provoquent une disparition de l'habillage, du montage, de
l'organisation des images.
Et pourtant..
Fabrice lui-même me dit
qu'il n'a
plus envie de monter ce qu'il filme. Le montage se fait mentalement.
C'est tellement vrai que lorsque je mets bout à bout sur une même
page Internet les séquences de David pas encore montées, un film
construit pré-existe.
Malgré
tout, le montage reste un langage qui
permettra d'écrire le film avec les étudiants et j'ai hâte de
commencer.
Oudeuane s'est vraiment
approprié
le son. Dommage, c'est saturé! C'est une habitude ici d'écouter un
son crade, saturé, diffusé à fond dans des enceintes
énormes.
Hier soir, j'ai
rencontré
Douk
jeune "chef" trans qui aime déjà beaucoup David et
Fabrice. Si nous revenons l'année prochaine nous pourrons peut-être
cette fois loger chez lui/elle. Sa maison guesthouse semble très agréable. Elle est juste en face de la maison de
Thavisay, un jeune professeur de l'école qui était encore étudiant
il y a deux ans. Il avait travaillé sur le dialogue fictif n°9 de la
galerie du cartable, Chercher Cinéma.
17/04/2010
Ce matin,
nous avons
suivi Thavisay qui normalement porte un des masques du PounyerNyanyer.
Ces masques racontent l'origine de Luang Prabang. Ce sont des
ancêtres (grand-mère et grand-père des origines) accompagnés d'un
lion. Nous n'en savons pratiquement rien.
C'est un cérémonial. Un
groupe
de gens, la famille de Thavisay dont son père qui occupe une place
importante, s'occupe des offrandes. Les femmes arrosent d'eau avec
des branches de lauriers les masques et le chien... Comme toujours je
remarque que ces cérémonies sont extrêmement sérieuses et très simples
à la fois. Aucune attitude de circonstance. Ce sont
les gestes et les temps de méditation qui amènent au sacré sans se
séparer de la vie telle qu'elle est chaque jour. Apparemment les
masques sont fabriqués, ou entretenus, je ne sais pas vraiment, au
même endroit.
Lundi, je commence le
montage avec
les étudiants. Ce qu'ils filment est sans complexe ... des intuitions
justes et une recherche qui chaque jour évolue.
21/04/2010
Nous avons beaucoup
discuté hier
avec Achan (maître) Luck, le directeur des Beaux-Arts, un vrai tyran, MAIS qui
a une grande lucidité, et un rapport à la vie sans
concession. Ce qui m'étonne particulièrement, c'est sa
clairvoyance. Il nous voit et il sait qui nous sommes. J'ai déjà
rencontré ça chez un agriculteur de 90 ans pas très loin de
Bourges, qui portait en lui ce savoir et ce rapport au monde d'une
extrême lucidité. Je le vois aussi chez des pratiquants d'aïkido
qui ont largement dépassé la recherche technique et qui lisent dans
chaque comportement, dans chaque mouvement ce qu'est l'autre. Je suis
à chaque fois stupéfaite!
Penser bien! c'est ce
qu'il ne
cesse de nous répéter. Voir ! Celui qui veut penser en réalité
ne pense pas !
Il nous explique
qu'ici, et on le
ressent, on est responsable de ce que l'on donne et pas de ce que
l'on reçoit. On devient responsable de ce que l'on reçoit parce
qu'on le transmet. Ça ressemble à une évidence mais pas
vraiment !
Car ça supprime d'emblée tout phénomène de reconnaissance. Nous
faisons beaucoup, mais pourquoi ?
J'apprends beaucoup de
la pensée
orientale, autrement que par la théorie et la traduction
occidentale, même fidèle à cette pensée. Ça m'éclaire encore
sur la pratique martiale.
La lutte (commune) ici
n'est pas
simple. Beaucoup d'incompréhensions. L'argent est un sujet très
compliqué. Nous sommes les riches occidentaux et il faut sans cesse
donner plus. Mais qu'est-ce que nous amenons?
Ici l'expérience
construit la
pensée et elles avancent conjointement sans jamais se séparer. La
pensée ne précède pas l'expérience. Nous ne le savons pas
vraiment. Nous sommes, Fabrice, David et moi, très vite très
compliqués (moi peut-être plus qu'eux encore), très intellectuels
et réflexifs (analyse, analyse...), et nous nous prenons des revers
sévères en pensant une chose qui n'existe pas encore, sans prendre
le temps de sa construction.
24/04/2010
Cette semaine est
passée à toute
vitesse, pas de temps pour écrire.
Le sujet exact des
études que
nous proposons repose sur les modes de représentations et de
transmissions dans la vie quotidienne, mais maintenant le rapport à
l'histoire lao a pris de l'importance. Nous le découvrons un peu
plus tous les jours dans ce qui a été transmis, pas transmis,
réapproprié par les autorités, refusé par les autorités,
l'influence du tourisme sur l'organisation des fêtes, même
religieuses, etc. Tout est relié.
Nous découvrons aussi
petit à
petit les familles et leurs "spécialités", leur rôle de
transmetteur justement. La famille de Thavisay est celle qui est en
charge du PounyerNyanyer.
Plus globalement nous découvrons les pratiques musicales, les
danses, les rites, les mises en scènes, trop peu exprimées aux
beaux-arts.
Plus concrètement,
cette semaine
nous avons travaillé sur PIMAY. Nous sommes en montage avec les
étudiants. Nous avons l'idée de faire un plateau télé et les
diffuser dans Luang Prabang. Fabrice planche sur la question d'un
nouveau cartable vidéo. Il pourrait y travailler avec les étudiants
à partir de matériaux et de techniques locales. Le studio semble
pouvoir se finir lundi.
J'ai commencé les cours
de lao et
je suis très enthousiaste bien que toujours handicapée par mes
problèmes d'attention.
L'autorité de monsieur
Luck nous
a perturbés et nous avons compris que les points de rupture seront
réguliers. Et pourtant quand ces points de ruptures approchent,
l'atmosphère se détend immédiatement.
Nous avons fait un
grand repas
dans un restaurant au bord du Mekong avec monsieur Luck, Boukine (le
futur directeur ?), sa femme, Bougnalith (toujours très à
part, y compris dans sa façon d'être, il vient de la famille
royale), Nou, sa femme et sa fille. Le repas est excellent, la vue
exceptionnelle et nous passons une excellente soirée. Nous parlons des
méthodes de travail qui doivent tenir compte des rôles de chacun
et d'une hiérarchie dans l'école. Une organisation sociale.
Le
montage avec les
étudiants se
passe très bien. Je découvre quatre d'entre eux vite à l'aise et
transmettent ce qu'ils savent : Fasananh, Sonepasith, Oudeane et Hak
Thoui. Les quatre autres sont plus en retrait et surtout moins à
l'aise avec les ordinateurs.
Quatre sujets sont en
préparation.
Nous avons travaillé
tous les
jours de 8h30 à 13h30. Pendant ce temps, les autres étudiants
travaillent avec Fabrice et David sur le studio.
Nous sommes invités par
Thavisay
à une cérémonie très spéciale que nous ne pouvons pas filmer
dans la maison des PounyerNyanyer.
Nous y croisons Francis Engelmann. C’est une cérémonie qui
invoque les esprits des deux villages, des fantômes. Un femme medium
entre dans un coma court, choisit des vêtements et incarne un de ces
esprits, parfois longtemps, parfois peu de temps. C'est très joyeux
et surtout d'une grande force. Là, nous voyons justement des modes
de représentation, la vie et le symbolique : La femme medium que
l'on voit renifler des aliments, en fait se nourrit de la part
subtile de ces même aliments. Les personnes présentes viennent
parler très naturellement avec les esprits. Repas et alcool. Nous
buvons beaucoup (encore). C'est d'une grande puissance et d'une
grande légèreté.
Le lao lao et la bière.
nous en
buvons beaucoup, souvent, invité par Nou ou à l'improviste par les
Laos.
25/04/2010
Nous mangeons souvent
chez Nou.
Nous discutons beaucoup du projet et du reste. Quand nous rentrons,
nous sommes plein de questions. Pourquoi sommes-nous là ? Jean
Rouch défendait une culture. Et nous, qu'est-ce que l'on
défend ?
Ce qui nous paraissait
évident,
ne l'est plus du tout. Nous comprenons que le programme que nous
proposons n'est pas bien compris, voire pas du tout. C'est difficile
de savoir, car nous sommes aussi au milieu de conflits entre les
enseignants et de problèmes de pouvoir ou de place.
Nous sommes là parce
que nous
avons su nous retrouver sur des conceptions de l'art non séparé de
la vie : être là où l'on peut inventer, dans une histoire commune
où les choses peuvent circuler de manière quasi immédiate, avec
ceux qui sont porteurs de savoirs, de modes de vie, de
familles.
Nous
venons avec des outils pour de la recherche...
26/04/2010
Nous avons une
discussion avec Sai
(Souliya) qui est en résidence au Japon pour deux mois. Il prépare des
films
d'animation. Il a créé un petit personnage, ce qui est une constente
dans l'art japonais contemporain. Les modes d'expression passent par
des figures incarnées et symboliques.
Sai nous explique que
n'ayant pas
de master, il ne peut pas créer pour le moment son département
nouveaux médias. En attendant, il a créé son groupe aux beaux-arts
de Vientiane.
Nous lui parlons de l'association.
Brouillon des statuts, une première version des objets de l'association.
Nous devons être le moins abstrait possible. Concret! Répondre à comment faire...
Il attend que nous lui
envoyons
une version anglaise pour être sûr de bien comprendre. Nous parlons
de choses et d'autres. Il
nous montre son appartement via sa webcam et les nouvelles caméras avec
lesquelles il travaille. Du matériel professionnel qu'il va pouvoir
ramener. Sai est maintenant sponsorisé par des japonais.. Il nous parle aussi de sa génération qui
veut s'ouvrir au monde et aux systèmes internationaux. Cependant son
ouverture qui m'enthousiasme toujours est aussi exposée à un
fonctionnement reproduisant le monde de l'art tel que nous le connaissons et qui
est aussi tout ce que l'on déteste : du marketing !
Du coup, à propos des
objets de
l'association, nous réfléchissons à nouveau à la destination du
projet. Nous avons écrit qu'il s'agit de permettre une diffusion à
un niveau international, de faire venir de jeunes artistes laos comme
Sai, mais aussi venus d'autres pays, des cinéastes français... Nous nous
rendons compte que si c'est bien dans l'absolu, c'est aussi
reproduire des modèles que nous avons toujours voulu quitter.
Nous revenons alors à
nos objets
d'étude car ce que nous devons avant tout défendre et diffuser
uniquement, c’est le travail de
recherche (à l'exemple du service de la
recherche, l'institution d'invention et de recherche créée par Pierre Schaeffer). Nous devons le préciser...
28/04/2010
Le montage avec les
étudiants
continue. Nous faisons un lexique français-anglais-lao pour le
logiciel utilisé, mais aussi pour les commandes informatiques. Nous trouvons des rapports dans les images qui
deviennent intéressants. Apprendre et aussi enseigner en commençant
par une forme documentaire est extrêmement difficile. Comment
choisir les images, quelle forme donner à chaque film ?
Nous regardons la
télévison lao.
C'est sans complexe sur les effets, les bruitages, l'utilisation du
son. C'est comique et les présentateurs ne se prennent pas du tout
au sérieux. La plupart sont très jeunes. J'adore la chaîne Lao
Star. Du coup, nous cherchons des formes plus télévisuelles que
documentaires.
David se lance avec les
étudiants
dans la réalisations de films pédagogiques qui sont à la fois un
mode d'apprentissage du film, mais aussi des films qui expliquent en
soi ce qu'est filmer. David a écrit un poème qui sera le sujet d'un
premier film : comment filmer avec un baton ? comment voir?
HakTui est très bon
acteur. À
travers ces réalisations, nous découvrons aussi les talents de
chaque étudiant. Il faudra montrer ces talents dans la télévision.
Pendant ce temps, notre
"worker"
menuisier, Tith, et ses amis travaillent toute la semaine sur le
studio qui prend forme.
Je tourne en rond sur
une question
cruciale : où trouver des financements ? Le travail
quotidien est si prenant que je commence à m'inquiéter sérieusement
sur le temps que je peux accorder à ça. Sashiko, une styliste
japonaise, est de retour. Nous avons rendez-vous cette semaine. Elle
nous a dit pouvoir nous aider.
Soulasay est notre
professeur de
Lao. Il est très patient. Ces cours structurent notre apprentissage
de la langue. Nous comprenons l'organisation des phrases, des mots,
les rapports, les accents. C'est une langue riche qui peut produire
sans cesse du sens et des idées nouvelles par des associations qui
ne sont pas toujours utilisées, mais qui sont possibles. Deux mot
associés forment une idée. Il faut aussi faire des efforts
important pour ne pas vouloir parler selon la structure du français.
C'est très difficile, mais passionnant et plein de poésie.
29/04/2010
Le cours de montage est
difficile
avec quelques étudiants. Qu'est-ce que la technique ? Des
ciseaux, mais pour découper quoi ? Ne pas voir celle qui sent,
en fait celle qui se nourrit de la part subtile des choses. Dans
l'enseignement de l'aïkido, la technique est un moyen d'étude de
quatre grands principes : le shise (la posture), le mawaï (l'espace-temps), le kimisubi (aller dans le sens du mouvement), le kinonagare (absorber l'autre dans le sens du mouvement). Chaque principe étant
relié.
Ces principes et cette
approche de
l'apprentissage globale sont si orientaux que je me demande comment
les retrouver ici, dans une façon d'expliquer le montage (sans non
plus transposer bêtement, il ne s'agit pas de ça). Voir une forme
globale et découper, travailler à l'intérieur. C'est peut-être
une erreur, mais surtout ça participe d'une vision globale, non
fragmentée des choses.
Aussi David a-t-il
raison: ce
chemin n'est pas le mien mais celui des étudiants. Il faut faire
attention. Laisser faire, lâcher prise.
Nous réfléchissons à
une
émission télé. David élabore un scénario : où quelqu'un dirige
une télévision avec un morceau de glaise, où des tableaux
deviennent de la vidéo, où se met en scène la danse, la musique,
la vie lao. Le film finirait sur un remake de "Thriller" de
Mickael Jackson et y seraient insérées des parties de PIMAY amenées
par chaque scène. Et une pub sur les outils fabriqués.
Avec Sonepasith, nous
travaillons
sur le montage d'une partie du film sur PIMAY à partir de la bande
son. Il me dit : "interesting".
Il faut que je le laisse faire. Il aime bien que je lui montre des
choses, mais pas trop quand même. Il fait la bande-son du film. Je
découvre du coup qu'il est, en plus d'être excellent danseur, un
musicien expérimenté qui joue d'un nombre impressionnant
d'instruments. La semaine prochaine, nous aimerions faire des
enregistrement et faire un montage son à partir de scènes filmées
dans lesquels il jouerait plusieurs instruments.
Fassanah est devenu le
responsable
du matériel pour les étudiants et apprend le montage sous Linux. Il
veut faire ses propres films.
30/04/2010
Le studio solaire est
fini. Il est
splendide.
Une première scène est
filmée à
l'intérieur pour le film "Kit DI" (penser bien), le film
pédagogique (d'étude) proposé par David.
Dans ce film, les temps
s'enchaînent (adid,
le passé, Pha
tchou
ban,
le présent, anakoth,
le futur) et font de ce film un cheminement, celui de la pensée,
pour celui qui doit voir le film sans sa caméra.
Au montage, avec les
étudiants se
pose la question : comment faire figurer ce cheminement ? Par
quelles images?
L'orage arrête le
montage.
Impossible de continuer sans risquer une coupure de courant. La pluie
tombe (Phone
thot).
Elle tombe, elle tombe. L'eau coule.
C'est parfait, nous
nous servirons
des vues du Mekong pour marquer le passage d'un temps à un autre, le
courant de l'eau. Dans un sens, puis dans un autre.
02/05/2010
Vendredi soir, les
riches de Luang
Prabang. Une soirée où nous avons suivie Sachiko, producteur chinois,
propriétaire neo zélandais,
Samedi matin, David et
Fabrice me
parlent d'un femme française et lao avec qui ils ont discuté hier
soir. Elle est la fille d'un producteur de cinéma français. Elle
peut nous aider.
Elle leur a parlé d'une
forme à
laquelle nous n'avons pas pensé qui est la comédie musicale et
également du sens comique des lao et les joutes verbales (Molaam).
Ici, les jeunes filles et jeunes garçons qui se font la cour entrent
dans des séances de joutes chantées dans lesquelles ils s'envoient
les pires "vannes". Pas de romantisme.
Sauf dans leur
télévision.
Nous avons été invités
à un
mariage. Très jolie cérémonie, un bassi,
de très beaux habits et des mariés qui ne sourient jamais. Ensuite
repas avec tous les invités, une
grande famille. Nous buvons beaucoup trop!
à suivre : l'arrivée de Michel
et Monique, l'association, Vientiane, Supalack, Sonepasith, l'économie
souterraine du Laos, .les rues de Luang Prabang qui se vident de leurs
touristes, ..., le workshop de Michel (les adaptations
laos des disparus de Saint Agil (répliqûre) et d'Aguirre)
Le développement du
programme
audiovisuel aux Beaux-Arts de Luang-Prabang, est réalisé par la Galerie
du cartable, porté par l'association Bandits-Mages en co-production
avec
Chateauroux Undergound, et soutenu par la Région Centre et Cultures
France. Nous remercions le CCCL
pour son accompagnement.